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Débits du beau, crédits du laid.

C'est en se promenant, en musardant, en conduisant sous la limite autorisée que cela saute aux yeux. De bourgs en villages , de bourgades lovées en cités déployées une évidence apparait. Le beau perd du terrain, le laid en gagne. Nos campagnes s'enlaidissent d'un laisser aller architectural, d'un laisser aller paysagé, d'une négligence collective, d'un commerce déclinant poussé dehors par des zones commerciales inaugurées en grande pompe. Et tout un esprit dépérit, s'amenuise au fil du temps pour laisser place à la médiocrité environnementale.

Jadis poussèrent ici des bâtiments gracieux du plus humble aux prestigieux comme si le soucis d’esthétique guidait la main des façonneurs, irriguait l'esprit des concepteurs. Les circulades témoins d'un temps révolu, les petites églises, les chapelles, les châteaux, les places de villages animées d'accents toniques et dans les moindres recoins des murets séculaires, des sources bienfaitrices, des croix, des calvaires en souvenir auréolés la campagne d'un charme discret et désuet. Et les haies, les bosquets entretenus, les figuiers, les pêchers au bord des vignes, les petites parcelles et les mazets témoins d'un temps à la culture biologique séculaire.



Des souvenirs, des histoires, racontés, embellis, arrangés de générations en générations abondent dans le folklore sudiste, dans la culture de la galéjade, de l'exagération systématique afin que tous comprennent. C'est tout un passé, tout un esprit que le Languedoc.

Au fond l'esprit persiste au grand soleil. Cette culture villageoise est encore bien vivante mais le cadre se détériore , le décor de nos élucubrations méditerranéennes perd de sa superbe envahi par l'essor démographique galopant, par des lotissements sans queue ni âme à l'architecture guidée par l'intérêt, par des pancartes aux couleurs criardes, des commerces déguenillés, des autos envahissantes et parfois même des constructions inénarrables autorisées par des alcades peu ouverts à la beauté comme si l'on avait perdu les sens de l 'intérêt commun.

La dégringolade coopérative des dernières années a laissé dans le tableau quelques cadavériques constructions à l'abandon total et l'on construit à deux pas dans une frénésie absolue  de nouveaux bâtiments pour aller de l'avant, en gommant un passé qui a du mal a se réinventer.

On a presque l'impression que le hameau veut devenir village, le village bourg, le bourg ville en prétention de pacotille pour exploser au regard du voisin . C'est la grenouille de la fable ! Comme une soif de pouvoir sans cesse à étancher pour un développement qui n'a rien de durable, une course en avant égotique ou le moi l'emporte dans une compétition où le commun, le général, le cœur est relégué en dixième division , comme si l'on était sur un carré vert où il faut forcément briller, compétiter alors que l'on pourrait se contenter d'exister et proposer du beau à bout de champ, à bout de rue en s éloignant du panurgisme général. Juste porter le regard de côté , juste faire un peu différent , juste oser, peut-être même devenir précurseur et arrêter d emblée cette folle course en proposant du beau à foison, du plaisir de vivre, du bonheur d être là . Tout simplement! Visiblement nos décideurs ne sont pas simple et ce calquent trop sur la moyenne basse de la pensée commune sans imaginer et sans oser la différence.

A l'instar de la presse locale qui nous annonce à grand titre un classement parmi les plus pauvres sans pour autant donner des pistes, nous nous laissons tomber comme une feuille , tourbillonnant au gré du vent, sans réagir, fatalistes en ignorant les trésors enfouis, éblouis par les lumières artificielles d'un développement outrancier et dangereux. En bordure de nos cités urbaines de nouvelles surfaces commerciales pourvoyeuses de précarité, de mauvais goût et de rabaissement culturel fleurissent d année en année comme si le pouvoir de dépense consumériste devenait élastique. On en arrive à doubler les routes, les rails, les zones, foulant du pied un environnement exsangue qui commence à nous rendre la monnaie à grand coup de cataclysmes.

Et arrêter cette course folle, redécouvrir le juste, le bon en éjectant les brutes et les truands pourrait paraitre compliqué mais des initiatives dans tous les sens naissent, émergent, sourdent en essaimant un fol espoir. A quand le basculement !

Que nenni ! Le laisser-aller général, le bon niveau de vie, le manque d'appétit , le manque de folie, le manque de confiance inhibe trop souvent les masses mollassonnes et les fait se ré-asseoir devant leur grand écran, ébètés , ébaillis, engourdis pour aller consommer à outrance dans de belles surfaces toutes neuves et tirer une balle dans le pied de leur progéniture sucrifiée. Et pendant ce temps les manipulateurs divisent.

Les fleurs des champs ont du souci à se faire à moins qu' elles naissent sous la férule d'un paysan bienveillant dans une réserve où l'on emmènera bientot les bambins excités pour leur montrer la différence entre une chèvre et une vache.

Notre bel esprit troubadour survivra t il ? Beaucoup y travaillent bien que l'écrin de nos agitations se rétrécisse. Malgré tout, existe encore des zones préservées, des initiatives heureuses voient le jour et l'espoir d'un monde rural harmonieux se conjugue souvent avec une myriade bienfaisante d'accents de tous horizons sous les frondaisons.

Le local en réponse à une mondialisation décomplexée ne serait-il pas un pari que le consommateur pourrait tenter plus avant ? Joyeusement, en donnant, en échangeant, en boycottant, en s’intéressant, en osant, en risquant, en réfléchissant à ses propres paradoxes, en investissant, en achetant. A pratiquer sans modération, presque comme un loisir avec en plus le goût de l'autre.

Perte de fébrilité indispensable pour créer ce monde qui point et ne pas rester à la traîne de l’initiative. Pour l'heure, nous, paysan, on sent bien un balbutiement, un embryon que l'on trouve parfois timide, en tout cas loin d’être généralisé mais qui a la vertu d'exister et qui ne demande qu'a croître . Croisons les doigts, croissons ensemble car le jour où l'on aura perdu l'énergie d'une nourriture pleine de sève, pleine de sens et enrichi scandaleusement quelques lobbies nous pleurerons nos paysans disparus en criant à la magouille, à l'énergumène , au complot en oubliant nos responsabilités d'hier, nos consommations de la veille. Nous avons le pouvoir mais nous ne le voyons pas.

En s'entourant de beau, on produira du bon car il y a encore de la marge dans nos contrées sudistes , de beaux endroits encore sauvages , non envahis, non débités à mettre au crédit de je ne sais qui mais gare aux ambitieux férus d'affreux développement.

L'avenir ici est à conjuguer dans la douce harmonie, dans l'humanisme. Une sorte de retour en arrière, un retro-pédalage pas du tout réac mais réellement progressiste. Les racines !

Créditons donc notre avenir de fleurs des champs, d'une robe légère, d'un esprit d'acrobate, d'un rayon de soleil, de sable fin, de vent qui nous parle à l'oreille pour nous dire ô combien il croit encore en nous, pour nous susurrer qu' il voit encore dans ces valeurs désuètes , dans nos sociétés en sueur de courir dix lièvres à la fois, la force d'une main tendue, d'un sourire amical pour nous redonner l' énergie d'exister, de créer. Pour nous rappeler que la proximité est là, à côté .

C'est fou ce qu'une promenade bucolique sous la limite autorisée peu faire naître dans nos têtes lorsque l'esprit part en goguette, lorsque l'esprit perd la raison, lorsque le cœur prend le pouvoir.

Sans trop se forcer nous avons réussit à changer le climat, en faisant un effort on peut bien changer le monde, si on s'y mettait , chacun, dans son coin, simplement, calmement à se changer soi-même, à entreprendre dans le sens . Alors, peut-être . Utopique ? I don't know !



 
 
 

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